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  • Bénin: «Le parti Les Démocrates n’a pas été à la hauteur et n’a pas pu remplir les conditions fixées par la loi»
    « Une présidentielle sans le candidat du principal parti d'opposition, ce n'est plus la démocratie », disait avant-hier sur RFI le porte-parole du parti Les Démocrates au Bénin. « Le parti Les Démocrates s'est exclu lui-même de la présidentielle d'avril prochain », lui répond en substance le porte-parole du gouvernement béninois, ce matin sur RFI. En ligne de Cotonou, Wilfried Léandre Houngbedji répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : À l'origine de l'exclusion du candidat du parti Les Démocrates, il y a un défaut de parrainage. Mais en fait, tout ça a été provoqué par un changement de loi électorale en mars 2024. Vous avez haussé la barre des parrainages d'élus nécessaires pour être candidat à une présidentielle. Elle est passée de 16 à 28 parrains, et beaucoup d'observateurs disent que c'était précisément pour piéger le parti Les Démocrates ? Wilfried Léandre Houngbedji : Vous parlez d'exclusion. Il est curieux que, nonobstant les dénonciations de membres éminents du parti contestant la gestion qui en est faite par son président, certains continuent de parler d'exclusion, et nonobstant aussi les déclarations de son poulain, monsieur Renaud Agbodjo, faisant état de dysfonctionnements internes qui lui auront coûté sa qualification à la présidentielle. Et donc je crois qu'il faut davantage interroger les mécanismes de gestion interne de ce parti plutôt que de chercher un bouc émissaire pour justifier ses déboires. La loi, qui a été révisée en 2024, a fixé un seuil de parrainage dont dispose le parti et a pris le soin de sécuriser les parrainages en interdisant la transhumance des élus, de sorte que le parti avait toutes les cartes en main pour se désigner un candidat tant qu'il pouvait remplir les conditions.    Mais tout de même, jusqu'en mars 2024, il suffisait de seize parrainages. Depuis mars 2024, il en faut 28, ce qui correspond exactement au nombre d'élus dont disposait le parti Les Démocrates dans la dernière Assemblée nationale. Ça ressemble tout de même à un piège, non ?  Il n'y a pas de piège, parce que la majorité qui a fait la relecture de cette loi, en la présence constante de la minorité, donc des députés LD, aurait pu prévoir également un seuil plus important. Et pourtant, elle a tenu compte du nombre de parrains dont disposait et dont dispose le parti LD pour corriger la loi, de sorte que si on avait fait beaucoup plus, on aurait dit dès l'origine « ça, c'est pour exclure tel et tel ».  Alors, quoi qu'il en soit, à partir du moment où le nombre de parrainages nécessaires correspondait exactement au nombre d'élus du parti Les Démocrates, le parti LD, il suffisait de la défection d'un seul de ses élus pour que le candidat LD soit exclu. Ce député Michel Sodjinou, il a donc fait défection. Qu'est-ce que vous lui dites aujourd’hui ? « Bravo, monsieur le député, c'est un joli coup » ?  Non, nous n'avons aucun jugement de valeur. Nous prenons acte, tout simplement. Nous, nous nous sommes préparés par ailleurs, avec la désignation d'un candidat au profil éloquent, à battre n'importe quel adversaire que nous aurions eu en face de nous.  Alors, vous allez en effet présenter votre ministre des Finances, Romuald Wadagni. Vous dites que vous n'avez rien à voir avec ce député d'opposition qui s'est rétracté, Michel Sodjinou. Mais l'ancien président Boni Yayi n'est pas du tout d'accord avec vous. Il dit au contraire que vous êtes entré dans une campagne de débauchage pour déstabiliser le parti Les Démocrates… Je crois que cela ne devrait pas étonner ceux qui connaissent et qui ont vu à l'œuvre l'ancien président Boni Yayi. Car ils se souviennent que lorsqu'il y avait de bons points à prendre, c'était toujours son mérite à lui tout seul. Et quand ça n'allait pas, il n'était jamais au courant. Ou alors l'enfer, c'est les autres.  Mais ce député, Michel Sodjinou, il ne va pas bénéficier désormais d'avantages matériels pour ce qu'il a fait ? Ah bon, et de la part de qui ?  C'est ce que laisse entendre en tout cas l'ancien président Boni Yayi… Bien, il doit s'y connaître, lui. Nous, on ne connaît pas ces pratiques-là.  C'est-à-dire qu'il n'y a rien à voir entre la majorité au pouvoir et le député qui a fait défection dans l'opposition ? Absolument rien. Encore une fois, monsieur Boisbouvier, si vous entendez ce député, mais pas que lui, vous avez entendu Éric Houndété, vous avez entendu d'autres cadres du parti. Vous avez même entendu Monsieur Agbodjo qui avait été désigné par le parti pour le représenter. Tous évoquent des problèmes à l'intérieur. Et donc, qu'est-ce que nous, on a à y voir ? En 2021, vous avez fait arrêter la candidate du parti Les Démocrates, Reckya Madougou, qui a pris 20 ans de prison et qui y est toujours. Pour 2026, la justice a exclu le candidat du même parti Les Démocrates, Me Agbodjo. Est-ce qu'il n'y a pas un peu d'acharnement contre ce parti ?  Premièrement, les personnes qui ont été interpellées et qui sont en prison après avoir été jugées, elles se sont rendues coupables de faits attestés et étayés par la justice. Secondement, la justice n'a pas exclu le candidat du parti Les Démocrates. Le parti LD n'a pas été à la hauteur et n'a pas pu remplir les conditions fixées par la loi.
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  • Dr De-Joseph Kakisingi: «Il y a très peu de visibilité sur la crise congolaise»
    Passer de 500 millions de dollars à 2,5 milliards de dollars d'aide humanitaire pour cette année 2025, c'est le premier objectif de la Conférence de soutien à la paix et à la prospérité des Grands Lacs, qui se tient aujourd’hui à Paris, en présence notamment du Congolais Félix Tshisekedi et du Français Emmanuel Macron. Quelles sont les plus grandes urgences de l'heure dans l'est de la RDC ? Le médecin gynécologue De-Joseph Kakisingi exerce à Bukavu et préside le Conseil National des Forums d'ONG Humanitaires et de Développement (CONAFOHD). Il est présent à Paris et répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Quel est le problème le plus urgent à régler pour les millions de Congolais déplacés par la guerre ? De-Joseph Kakisingi : Le problème le plus urgent à régler aujourd'hui, c'est d'abord l'accès à l'alimentation, à la nourriture. Parce que ces milliers de déplacés aujourd'hui sont bloqués dans une zone sans accès physique, et donc ils sont coupés de leur source d'alimentation. Et donc ça devient très urgent qu'ils aient accès à la nourriture, qu'ils aient accès aux soins médicaux. Donc, il faut l'approvisionnement en soins médicaux et, en fait, qu'ils aient aussi accès à des espaces sûrs. Est-ce que la prise des villes de Goma et de Bukavu au début de l'année par les rebelles et leurs soutiens rwandais, est-ce que cette prise a aggravé la crise humanitaire ? Effectivement, cette crise est venue aggraver davantage une crise humanitaire qui était déjà assez alarmante, et notamment par les blocus que cela fait autour de ces villes-là et autour des zones périphériques. Ça entraîne notamment la fermeture de l'espace aérien et des aéroports, comme l'aéroport de Goma et celui de Bukavu. Les routes aujourd'hui sont dégradées pendant la saison des pluies et les banques sont fermées et l'accès par les frontières est très difficile. Et donc cela vient exacerber une situation humanitaire qui était déjà assez grave. Ces millions de Congolais déplacés, ils vivent dans quelles conditions concrètement ? Alors, ils vivent dans des conditions très difficiles. Vous savez, avant la chute de Goma et de Bukavu, il y avait des camps de déplacés autour de Goma, autour de Bukavu, et donc l'assistance était assez facile à partir des ONG nationales et internationales et des Nations unies qui pouvaient subvenir aux besoins urgents de ces populations. Mais aujourd'hui, les camps de déplacés ont été fermés et ça fait que ces populations sont en train d’errer sans abri, sans assistance, sans possibilité qu'elles puissent être mieux regroupées pour être mieux aidées. Et ça fait qu’elles vivent dans des conditions très, très difficiles. Ce qui veut dire que vous-même qui êtes médecin gynécologue, vous ne pouvez pas soigner tous les malades, c'est ça ? Oui, c'est ça, effectivement, le problème est là où l'accès est difficile pour s'approvisionner en médicaments, beaucoup d'hôpitaux, beaucoup de zones de santé voient leurs stocks de médicaments en rupture, et ça fait que les hôpitaux ne peuvent plus offrir des soins de qualité parce qu'il n'y a pas de médicaments. Et nous, comme médecins, nous nous trouvons face à une grave difficulté. Parfois, on est obligé d’assister à des décès de personnes qu'on aurait pu sauver si on avait des médicaments à portée de main. Moi, je viens de Bukavu, au cœur de la crise, et il nous arrive de voir des femmes mourir ou des enfants par manque de médicaments. Il nous arrive de voir des femmes mourir d'hémorragie post-partum parce qu'on n'a pas l'ocytocine pour pouvoir prévenir les hémorragies et parce que la chaîne du froid devient difficile dans ces conditions où l'espace aérien est fermé. Il nous arrive aussi de voir des enfants mourir parce qu'on manque des médicaments essentiels et parce que les voies d'accès sont difficiles. Est-il vrai qu'il y a encore des stocks de médicaments sur plusieurs sites du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, mais qu'on ne peut pas les acheminer jusqu'aux centres de santé, jusqu'aux populations à cause des tracasseries administratives, à cause des checkpoints ? Oui, il arrive effectivement que certaines organisations internationales disposent des stocks dans les grandes villes, mais il y a effectivement des tracasseries administratives, comme par exemple, je viens de voir une note qui est sortie il y a quelques jours au niveau de Kinshasa, où on annonce que toute tentative de contractualisation d'aide humanitaire avec les zones périphériques doit d'abord se référer au ministère national. Et quand on voit l'étendue du pays, quand on voit tout ce qu'il y a comme zones de santé et les difficultés, ça fait des tracasseries administratives en plus. Y a-t-il aussi des tracasseries du côté des rebelles du M23 ? Effectivement, c'est des deux côtés, de plus en plus. Il y a des doubles taxations, il y a des contraintes pratiquement pour les ONG nationales, il y a des menaces, des intimidations et ça rétrécit l'espace humanitaire et ça fait que l'aide humanitaire n'arrive pas. Est-ce qu'il y a au moins des corridors humanitaires ? Jusqu'à ce jour, non. On a essayé d'établir un corridor humanitaire entre Bukavu et Uvira par exemple, et cela n'a pas marché à la dernière minute. Toutes les parties au conflit se sont opposées ou ne l'ont pas permis. Cette conférence de Paris, où vous êtes ce jeudi, qu'est-ce que vous en attendez ? La première chose, c'est en fait donner un peu plus de la lumière sur la crise congolaise. Si vous voyez, il y a beaucoup de visibilité sur la crise de Gaza, beaucoup de visibilité sur la crise de l'Ukraine, mais très peu de visibilité sur la crise congolaise. La deuxième chose qu'on attend de cette conférence, c'est en fait une sensibilisation pour le financement de l'action humanitaire. Le plan de réponse humanitaire de cette année était évalué à 2,5 milliards de dollars pour pouvoir répondre aux besoins des 6,8 millions sur les 21 millions de personnes qui sont en besoin d'aide humanitaire au Congo. Mais jusqu'à ce jour, ce plan n'a été financé qu'à 500 millions de dollars. Et on attend de cette conférence, qu’il y ait un peu plus de solidarité pour qu'on arrive peut-être à lever le double de ce qui a déjà été donné et ainsi pouvoir apporter de l'aide à toutes ces communautés qui sont dans les besoins humanitaires urgents. À lire aussiRDC: à Paris, une conférence de soutien à la paix dans la région des Grands Lacs
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  • Bénin: «Une présidentielle sans le candidat du principal parti d’opposition, ce n’est plus la démocratie»
    Lundi soir, la Cour constitutionnelle de Cotonou a définitivement écarté la candidature de Renaud Agbodjo, l'avocat désigné par le parti d'opposition Les Démocrates pour se présenter à la présidentielle du 12 avril 2026. Que pense ce parti de cette décision de justice ? Y voit-il une manœuvre du pouvoir béninois ? Guy Dossou Mitokpè est le porte-parole du parti Les Démocrates. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Comment réagissez-vous à l'exclusion de votre candidat Me Renaud Agbodjo ? Guy Dossou Mitokpè : Bon, comme la plupart de mes compatriotes, je reçois cette information avec beaucoup de tristesse parce que, pour nous, le principal parti d'opposition aujourd'hui, c'est le parti Les Démocrates. Et donc pour la plupart des Béninois, on allait assister à une très belle fête électorale. Et donc pour nous, ce n’était pas croyable que la Cour constitutionnelle ne puisse pas nous donner raison en disant le droit. À l'origine du rejet de votre candidat, il y a le fait qu'il devait présenter 28 parrainages d'élus et que l'un de ces 28 a fait défection. Pourquoi n'avez-vous pas présenté un plus grand nombre de parrainages, 35 ou 40 par exemple, pour être certain de faire face à toutes défections et d'avoir au final vos 28 parrainages ? En fait, la loi électorale impose que les parrains soient parmi les députés en activité ou les maires en activité. Et donc, lorsque nous, on rentrait dans le Parlement, on avait 28 députés, on n'a pas été présents à l'élection des maires, donc on avait 28 députés. Mais lorsqu'on rentrait au Parlement, la loi électorale imposait d'avoir seulement 16 parrains. Et c'est au cours de notre présence au sein du Parlement, que le régime actuel a changé la loi électorale en positionnant le nombre de parrains exactement sur le nombre de parrains que nous avons, c’est-à-dire 28. Et donc c'était à dessein, parce qu'ils savaient que, à l'approche des élections, ils feraient tout pour nous déstabiliser en faisant probablement tout pour qu’un député fasse défection. Alors, justement, le député qui a fait défection, il s'appelle Michel Sodjinou. Il prétend qu'il s'est rétracté parce qu'il n'était pas d'accord avec le choix de Me Renaud Agbodjo au sein de votre parti. Qu'est-ce que vous en pensez ? Non, c'est un alibi parce que Monsieur Sodjinou a fait preuve d'ambition démesurée. Ce qu'il a avancé, ce sont des arguments qui ne tiennent pas. Et donc, s'il a fait défection, nous, nous continuons de croire qu'il est probablement en lien avec nos adversaires. Donc, vous pensez qu'il a été instrumentalisé par le pouvoir ? Je n'ai pas de preuve, mais tout laisse à croire qu'il a été instrumentalisé par nos adversaires. Parce que, en respectant les normes démocratiques en interne, cela ne peut pas expliquer le fait que quelqu'un puisse trahir tout un peuple. Oui, pour vous, le député Michel Sodjinou a trahi ? Il a trahi et c'est clair, il n'y a pas d'hésitation à ce niveau. Au total, le rejet de votre candidat, c'est la faute à pas de chance ou c'est une manœuvre du pouvoir ? C'est d'abord de la responsabilité d'un homme qui a été trop ambitieux. Monsieur Sodjinou Michel, je ne peux pas dire sans preuve que c'est la responsabilité du pouvoir. Je peux simplement dire que, voilà, nos adversaires ont tout intérêt à ce que Monsieur Michel Sodjinou puisse se comporter comme il l'a fait. « Ce qui se passe, ce n'est pas la démocratie », dit l'un des conseillers juridiques de votre parti, Me Victorien Fadé… Oui, naturellement que ce n’est pas la démocratie. C'est triste parce que vous savez, la démocratie, c'est qu'on puisse donner la chance aux électeurs de choisir celui ou celle qui leur convient. Mais ici, le choix du peuple, malheureusement, est très restreint, parce que le parti qui est aujourd'hui le parti le plus populaire dans notre pays, malheureusement, ne pourra pas présenter de candidat à la prochaine élection présidentielle. Et c'est très dommage. Vendredi dernier, il y a eu un long entretien au palais présidentiel à Cotonou entre le chef de l'État, Patrice Talon, et le président de votre parti, l'ancien chef de l'État Boni Yayi. Est-ce que vous espérez encore une solution politique ? Pour ce qui concerne l'élection présidentielle, il est dit dans notre loi fondamentale que les décisions de la Cour constitutionnelle sont sans recours. Donc, me rabattant sur cette décision, je peux dire que les chances pour que le parti Les Démocrates puisse présenter un duo de candidats à l'élection présidentielle sont quasiment nulles. Mais la bonne nouvelle, c'est que nous avons deux autres élections. Nous avons les élections communales et les élections législatives. Et à ce niveau, au niveau du parti Les Démocrates, nous avons pris toutes les dispositions afin que le peuple puisse consacrer son énergie à donner la majorité des maires et la majorité des députés au principal parti d'opposition. En 2021, beaucoup de candidats de l'opposition n'ont pas pu se présenter. Votre candidate de l'époque, Reckya Madougou, est même allée en prison. Elle y est toujours. Est-ce que vous craignez une nouvelle élection sans opposition ? Oui. L’ancienne ministre Reckya Madougou est en prison avec le professeur Joël Aïvo et bien d'autres compatriotes sont en prison ou en exil. Et je continuerai de dire que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes davantage tristes, parce que si la démocratie revenait à sa juste valeur, comprenez que nos prisonniers seraient libérés, les exilés feraient le retour. C'est la raison fondamentale de notre combat aujourd'hui. Une élection présidentielle sans les candidats du principal parti d'opposition, ce n'est plus la démocratie. À lire aussiBénin: la Cour constitutionnelle écarte la candidature des Démocrates à la présidentielle de 2026
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  • Présidentielle en Côte d'Ivoire: «Les pratiques politiques n'ont fondamentalement pas changé»
    Paul Biya réélu pour un huitième mandat au Cameroun avec 53% des voix, Alassane Ouattara réélu pour un quatrième mandat en Côte d'Ivoire avec 89% des voix selon des résultats provisoires. Depuis l'annonce de ces résultats électoraux ce lundi, les commentaires vont bon train. Que disent ces deux élections de l'état de la démocratie en Afrique ? Gilles Yabi est le fondateur et le directeur exécutif du think tank citoyen Wathi. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Au Cameroun, Paul Biya est proclamé vainqueur, mais Issa Tchiroma dit que c'est une mascarade. Qu'est-ce que cela vous inspire ? Gilles Yabi : Alors, je crois que les conditions de cette élection ne la rendaient pas vraiment crédible. En fait, lorsqu'on a un délai aussi important entre le jour du vote et la proclamation des résultats, on se pose toujours la question finalement de ce qui se passe pendant cette période. Et finalement, pourquoi est-ce qu'on ne pouvait pas avoir des résultats provisoires annoncés très rapidement, bureau de vote par bureau de vote, région par région. Et on sait très bien que c'est cela qui permet de limiter les possibilités de manipulation d'une élection. Alors, il s'est passé en effet plus de deux semaines entre le jour du vote et le jour des résultats. Il y a quatre mois, quand Issa Tchiroma a démissionné du gouvernement pour se porter candidat, le parti au pouvoir RDPC a pensé que les Camerounais favorables à l'opposition ne pardonneraient pas à Tchiroma ses longues années au pouvoir. Pourquoi cette erreur de stratégie de la part du RDPC ? Je crois que le pouvoir en place a sous-estimé peut-être la volonté de changement des Camerounais et le sentiment d'un véritable ras-le-bol. Ce n'est pas la première fois qu'en réalité, on a des processus électoraux qui sont peu crédibles, et on sait même que feu John Fru Ndi était censé avoir gagné une élection face à Paul Biya il y a déjà quelques décennies, en 1992. Et donc cette fois-ci, c'était vraiment la candidature de trop, compte tenu de la longévité au pouvoir, mais aussi compte tenu de l'âge du président Biya. Alors pour faire plier Issa Tchiroma, le pouvoir, selon notre confrère Jeune Afrique, lui a proposé le poste de Premier ministre. Ça n'a pas marché. Le pouvoir a ensuite fait arrêter plusieurs de ses proches. Mais pour l'instant, l'homme fort de Garoua ne semble pas vouloir céder. Quelle peut être sa stratégie à présent ? Alors, je ne sais pas. Évidemment, on voit qu'il y a quand même beaucoup de colère. Elle s'est exprimée dans les grandes villes du Cameroun. Et évidemment, dans le nord du pays, on peut penser que les tensions seront encore plus fortes qu'ailleurs. Et on voit bien aussi que, du côté du pouvoir, on a déjà évidemment l'outil de la répression. Donc, je crois qu'on rentre dans une épreuve de force. Je ne suis pas sûr pour l'instant qu’Issa Tchiroma soit prêt à accepter l'état de fait d'une victoire à nouveau du président Biya. Evidemment, on ne peut pas exclure que cette épreuve de force aille très loin. Autre réélection ce mois-ci, celle d'Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire. Elle a été moins mouvementée qu'au Cameroun. Mais là aussi, on déplore des violences meurtrières entre manifestants et forces de l'ordre. Il y a eu des morts. Pourquoi ces tensions qui perdurent au pays d'Houphouët-Boigny ? Parce qu'au pays d’Houphouët-Boigny, les pratiques politiques n'ont fondamentalement pas changé. En réalité, en Côte d'Ivoire, la bataille pour le pouvoir, depuis le décès d'Houphouët-Boigny, elle se passe entre un certain nombre d'acteurs qui ont des fiefs régionaux. Et je crois que ces violences, à chaque élection, montrent qu'on a d'un côté une Côte d'Ivoire qui a réussi à se rebâtir économiquement après la longue crise qu'elle a connue. Mais en même temps, une Côte d'Ivoire qui, sur le plan politique, n'arrive pas à nouveau à se stabiliser, à sortir de la personnalisation du pouvoir. J'ajouterais quand même que l'exclusion de l'ancien président Laurent Gbagbo et de Tidjane Thiam, cela ne pouvait que réduire l'intérêt d'une partie de la population ivoirienne pour cette élection et on le voit à travers le taux de participation.
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  • Mamadou A. Barry: «L'erreur d'Alpha Condé est d’avoir créé une unité de force spéciale sans contrôle»
    Les militaires au pouvoir en Guinée est une longue histoire, qui date de 1984 et qui pourrait bien durer encore plusieurs années. Avec le livre-enquête L'armée guinéenne, Comment et pour quoi faire ?, publié chez L'Harmattan, l'ancien officier franco-guinéen Mamadou Aliou Barry nous emmène dans les coulisses de cette armée dont beaucoup de Guinéens ont peur. Comment quelques centaines de militaires ont-ils réussi à renverser le régime d'Alpha Condé en quelques heures ? Comment réconcilier le peuple guinéen et son armée ? Mamadou Aliou Barry répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Mamadou Aliou Barry, dans votre livre, vous rappelez que le coup d'État de septembre 2021 contre le président guinéen Alpha Condé, a été opéré par les forces spéciales du colonel Doumbouya. Et vous dites que ces forces spéciales avaient été créées quelques années plus tôt, à la suite de l'attentat terroriste de mars 2016 à Grand-Bassam, en Côte d'Ivoire. Pourquoi cet élément déclencheur ? Mamadou Aliou Barry : alors, ce qui s'est passé, c'est que quand il y a eu l'attentat de Grand-Bassam, la France s'est approchée des États côtiers, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Bénin pour leur proposer de mettre en place des forces spéciales pour lutter contre le terrorisme. Parce que l'attentat de Grand-Bassam, ça a frappé tous les gens de la sous-région. La création des forces spéciales, c'est une très bonne idée. Mais le seul problème, c'est quand on crée des unités comme ça, est-ce qu'il faut les mettre sous la coupe directe du président de la République ou sous la coupe de l'état-major des armées ? Et c'est là que vous dites qu'Alpha Condé a commis l'une de ses plus grandes erreurs, c'est de ne pas avoir confié ces nouvelles forces spéciales à l'état-major général des armées guinéennes ? Tout à fait. C'est-à-dire en fait, là, c'est la première fois que Monsieur Alpha Condé crée une unité des forces spéciales qui ne relève que de lui. Vous dites que le loup rentre dans la bergerie ? Tout à fait. À mon avis, l'erreur qu'il a commise, c'est de mettre en place une unité des forces spéciales, de leur donner tous les moyens, et puis de ne plus les contrôler. Et surtout, si, derrière, dans le contexte ouest-africain, le Mali a eu un coup d'État, c'est le commandant des forces spéciales qui a pris le pouvoir. Donc, vous vous posez la question de dire : « bon, est-ce que moi-même, j'ai la maîtrise de cette unité ? » Dans votre livre, vous racontez que c'est par un officier supérieur de la gendarmerie guinéenne que l'ancien légionnaire français Mamadi Doumbouya est introduit auprès du président Alpha Condé. Et vous racontez qu'ensuite, le président envoie cet officier dans de multiples formations militaires en Afrique de l'Ouest et en Europe, et vous précisez même que, lors d'une de ses formations, il fait la connaissance d'un certain colonel malien Assimi Goïta ? En fait, ils se sont rencontrés en 2017. C'est-à-dire qu'il n'y a pas que la France qui s'est occupée des forces spéciales. Je le dis dans mon livre, les Américains organisent régulièrement des manœuvres destinées aux forces spéciales ouest-africaine « Flintlock ». Voilà, C'est dans ce cadre que le commandant Goïta et le colonel Mamadi se sont rencontrés au Burkina en 2017 et se sont liés d'amitié. Le général Brice Oligui Nguema, qui a pris le pouvoir au Gabon il y a deux ans, nous a confié un jour qu'il connaissait très bien le colonel Mamadi Doumbouya depuis plusieurs années. Donc, c'est tout un réseau d'officiers africains qui se connaissent ? Il faut savoir quand même que, quand on prend le parcours du général Doumbouya, quand monsieur Alpha Condé l'a pris, avant même de le mettre à la tête des forces spéciales, il lui a fait faire beaucoup de formations, notamment en Israël et notamment au Gabon et à l'école de guerre à Paris. Cela dit, c'est quelqu'un quand même qui a eu une excellente formation. En conclusion, vous dites dans votre livre que, pour réconcilier l'armée et la nation dans un pays comme la Guinée, il faut restructurer l'armée. Mais comment ? En fait, à chaque fois qu'il y a une crise politique en Guinée, quand l'armée prend le pouvoir, l'opposition vient saluer la prise du pouvoir par les militaires en disant bravo ! C'est ce qu'il s'est passé en 2021 ? 2021, 2010, au temps de Dadis Camara. Mais quand vous prenez tous les programmes des partis politiques, il n'y a aucune réflexion qui est faite sur le rôle, les missions d'une armée, si on arrive au pouvoir. Et c'est ça qui est étonnant. C'est-à-dire ça m'a toujours frappé ça. Il faut absolument que, dans ce pays, on arrive à réfléchir en disant qu'est-ce qu'on fait de l'armée ? Et puis surtout arriver à un contrôle civil de l'outil militaire, c'est-à-dire un pays comme la Guinée aujourd'hui, je prends un exemple très simple, si vous voulez réconcilier l'armée et la population, il faut impliquer l'armée dans des actions visibles pour la population. Et dans le livre, je donne deux exemples. Je dis, le génie militaire, si dans les villages qui sont enclavés, avec des ponts qui n'existent pas ou qui sont défaillants, on envoie le génie militaire qui s'occupe de désenclaver. De construire des ponts, des routes ? Tout à fait. Vous prenez le service de santé des armées. Il y a des villages entiers où il n'y a pas de médecin-vétérinaire, il n’y a pas de médecin. Si le service de santé des armées est impliqué dans la politique nationale de santé publique, les gens vont dire, mais oui, l'armée, on reconnaît. Et puis ce que je dis, le plus important dans mon livre, c'est que si vous prenez ce qui se passe au Sahel, en Guinée, partout, le renseignement est inexistant. Donc, je préconise, il faut mettre en place une vraie académie du renseignement où on recrute des jeunes analystes sortant des universités. À lire aussiGuinée: 51 partis politiques «certifiés» mais pas l’UFDG de Cellou Dalein Diallo ni le RPG d'Alpha Condé
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Du lundi au samedi, Christophe Boisbouvier reçoit un acteur de l'actualité africaine, chef d'État ou rebelle, footballeur ou avocate... Le grand invité Afrique, c'est parfois polémique, mais ce n'est jamais langue de bois.
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