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  • La dissuasion nucléaire russe à l’épreuve de la guerre en Ukraine
    Dès le lancement de son « opération militaire spéciale » (SVO) contre l’Ukraine, le 24 février 2022, le Kremlin, qui dispose de l’un des plus vastes arsenaux nucléaires au monde, a adopté des mesures de dissuasion agressives et une rhétorique résolument menaçante. Décryptage d’un possible emploi de l’arme nucléaire par Moscou, avec Dimitri Minic, chercheur à l’Institut français des Relations internationales, l’Ifri.  RFI : Dès les premiers jours de la guerre, Moscou adopte une rhétorique nucléaire agressive. Quelle est sa stratégie ? Dimitri Minic : Le 24 février 2022, sa stratégie, c'est de prendre Kiev en quelques heures et au pire quelques jours, et de soumettre politiquement l'Ukraine. Quand Vladimir Poutine fait son discours sur l'opération militaire spéciale le 24 février, qui annonce son déclenchement, il fait une allusion à un emploi possible de l'arme nucléaire, face à ceux qui voudraient s'impliquer directement dans ce conflit pour aider l'Ukraine. Ce qui, au fond, a permis à la Russie d'éviter effectivement une escalade de la guerre locale en guerre régionale, impliquant d'autres pays, d'autres puissances, mais qui n'a pas suffi non seulement à dissuader effectivement l'Ukraine de résister, mais surtout qui n'a pas permis d'éviter le début d'un flux d'aide militaire à l'Ukraine. Et par ailleurs, ces menaces nucléaires russes n'ont pas permis d'empêcher l'instauration de sanctions économiques très importantes de l'Occident contre la Russie. Donc, c'est un succès relatif de la stratégie nucléaire russe, mais qui, en réalité, ne permet pas à la Russie d'isoler l'Ukraine de l'Occident, ce qui était son principal objectif. Mais il y a quand même une véritable inquiétude qui plane en Occident, puisque le nucléaire tactique fait partie de l'arsenal russe. Le nucléaire a été étendu à la guerre conventionnelle, en quelque sorte ? Oui, absolument. En fait, à la chute de l'Union soviétique, les élites militaires russes héritent d'une doctrine de non-emploi en premier. Et progressivement, elles se rendent compte que la théorie de la dissuasion et ses mécanismes étaient peu développés par rapport à ce qui existait en Occident. Dans les années 90, vous avez une grande période d'élaboration conceptuelle, de théorisation qui conduit l'armée russe, au plan théorique et doctrinal, à effectivement étendre la dissuasion nucléaire aux guerres conventionnelles de toute ampleur, locales, régionales et à grande échelle. Il y a un emploi possible de l'arme nucléaire, un emploi démonstratif, limité, censé mettre fin aux combats dans des conditions favorables à la Russie. On aurait pu se dire, puisque l'opération militaire spéciale est un échec pour la Russie, il est possible que ces concepts soient appliqués. Mais en réalité, cette doctrine exigerait des conditions qui ne sont pas du tout réunies dans la guerre en Ukraine. Pour que Moscou prenne des mesures de dissuasion nucléaire très claires, il faudrait par exemple un transfert des têtes nucléaires depuis les entrepôts centraux vers les unités, vers les bases. Un transfert démonstratif médiatisé qui montrerait que la Russie commence à penser sérieusement à employer l'arme nucléaire ou un essai nucléaire réel, ou d'autres types de mesures qui montreraient qu'elle a vraiment la volonté de le faire. Mais il faudrait qu'elle se trouve dans des conditions extrêmement graves. Il faudrait qu'elle soit en passe de perdre de manière irrémédiable face à un ennemi conventionnel, aidé par des États d'ailleurs dotés de l'arme nucléaire, qui non seulement aient envie de conquérir des territoires russes ou bien aient envie de changer le régime russe. À lire aussiRussie: Vladimir Poutine annonce une révision de la doctrine nucléaire et menace les Occidentaux On le voit au début de la guerre, les Américains vont sonder les Russes afin de savoir dans quelles conditions ils pourraient utiliser l'arme nucléaire. Absolument. Et à l'époque, Valeri Guerassimov répond qu'il y a trois conditions : l'utilisation d'armes de destruction massive contre la Russie, une volonté, une tentative de changer le régime, une déstabilisation profonde du régime provoqué par un État étranger. Et la troisième condition serait des pertes catastrophiques sur le champ de bataille. Et c'est intéressant parce que, à l'époque, à l'automne 2022, la Russie subit des pertes et surtout des revers militaires importants en Ukraine, dans le Donbass. Valeri Guerassimov, à ce moment-là, en évoquant ces trois conditions, abuse de son interlocuteur parce qu'il est évident que la Russie aurait pu compenser ses pertes assez rapidement et qu'elle a de telles réserves matérielles et humaines qu'il est très peu probable qu'elle recourt au nucléaire dans ce type de conditions loin d'être inacceptable ou en tout cas catastrophique pour elle. Vous identifiez trois failles théoriques et pratiques révélées par cette guerre en Ukraine de la doctrine nucléaire russe. Et l'une d'elles, c'est la limite de la dissuasion stratégique conventionnelle, avec les fameux missiles Kalibr,  Kinjal, dont l’usage n’a pas produit l’effet escompté… Non, non, ça n'a pas fonctionné. Effectivement, la Russie débute la guerre en Ukraine avec une conception de la dissuasion qui est une conception très agressive, offensive, mais surtout inter-domaines. C'est à dire que la Russie ne conçoit pas la dissuasion comme quelque chose d'exclusivement nucléaire. La dissuasion russe concerne à la fois les domaines non militaires et subversifs, le domaine conventionnel, donc les forces conventionnelles et les armes conventionnelles et les forces nucléaires. Donc, la Russie n'a pas une vision exclusivement défensive de la dissuasion. Car, pour le dire rapidement, la Russie ne conçoit sa sécurité qu'à travers l’insécurité de ses voisins. Donc, cette situation stratégique échoue effectivement à trois niveaux. C’est d’abord l’échec du concept de contournement, pour permettre à l'État russe de gagner une guerre avant la guerre. En fait, il n'était pas question de déclencher une guerre à grande échelle, de longue durée et très meurtrière, mais plutôt de soumettre l'ennemi sans combat, ou en tout cas sans combat de grande ampleur. C'est aussi un échec des moyens et des méthodes psychologiques ou informationnelles, comme disent les Russes, puisqu'ils pensaient les Ukrainiens et les élites ukrainiennes complètement soumises, rendues apathiques par la Russie et ses manœuvres. Ça n'a pas été le cas. Ils pensaient que les Occidentaux avaient été anesthésiés par cette pratique psychologique ou informationnelle, qui vise non seulement à modifier la psyché des individus et des sociétés, mais en fait à transformer les individus et la société. Et donc surtout, ce que j'observe dans cette étude, c'est que la phase conventionnelle, a subi un échec important. Pourquoi : parce que les élites militaires russes et les élites politiques russes ont surestimé pendant 35 ans l'efficacité de ces moyens conventionnels. Parmi ces moyens conventionnels, effectivement, on a d'abord les forces générales, les exercices, les déploiements de forces aux frontières. Bon, ça n'a pas produit l'effet désiré. Ça n'a pas forcé l'Ukraine à capituler. Mais surtout, les armes modernes duales, donc, qui peuvent être à la fois équipées soit d'une tête nucléaire, soit d'une tête conventionnelle. Ces armes, le Kinjal, le Kalibr, l’Iskander, ont été utilisées sur le champ de bataille. On se rappelle le Kinjal, une arme hypersonique utilisée à un moment qui était censé être décisif pour la Russie, puisque c'était le moment des premières négociations entre l'Ukraine et la Russie en mars 2022, au moment où les Ukrainiens sont très réticents à accepter un accord très favorable à la Russie. Et la Russie emploie dans l'intervalle, au moment de ces discussions ultimes, le Kinjal sur le champ de bataille. C’était sa première utilisation opérationnelle, puis un deuxième deux jours plus tard, avant de se retirer du nord et de l'est de l'Ukraine. L'utilisation de ces missiles conventionnels confirmait en fait des vulnérabilités qui étaient identifiées par les militaires russes depuis les années 90 ! Il faut bien comprendre que la défense antimissile présente en Ukraine, d'origine occidentale notamment, a été efficace et a plutôt montré la surestimation que les élites militaires, russes et politiques russes avaient de l'efficacité de l'emploi de ces missiles contre des cibles stratégiques comme des bases aériennes, etc. Non seulement en termes d'ampleur, de nombre indispensable pour détruire une cible stratégique, mais en plus la vulnérabilité des vecteurs. On voit bien que la Russie a fait face à un ISR, c'est à dire un renseignement occidental qui a été puissant et efficace. Cette double vulnérabilité, à la fois la difficulté à détruire des cibles stratégiques avec ces missiles modernes et en même temps la difficulté à protéger leur plateforme de lancement, ça tend à remettre en question, même partiellement, cette stratégie de frappes nucléaires limitées dont je parlais tout à l'heure, avec un missile unique. Donc, on voit bien que d'un point de vue technique, c'est un affaiblissement. Et les excès rhétoriques de Dmitri Medvedev (vice-président du Conseil de Sécurité de Russie au discours violemment anti-occidental, ndlr), de Ramzan Kadyrov (président de la République de Tchétchénie, un proche de Vladimir Poutine, ndlr) également, ont abîmé la dissuasion nucléaire russe ? À force de crier au loup et à menacer d'hiver nucléaire, l'Occident, ça ne prend plus ? Absolument. Parce que la Russie, dès qu'elle entre dans le conflit, produit une rhétorique nucléaire extrêmement agressive, mais dans les faits, les mesures qu'elle prend concrètement pour accompagner cette rhétorique nucléaire sont très modérées. Donc, vous avez un décalage très fort entre ce que la Russie dit, et ce que la Russie fait vraiment. Ça n'est pas une nouveauté en Russie. Sur quoi s'appuie cette pratique, ce décalage ? Il est dû à une culture stratégique, c'est à dire que la Russie considère que l'Occident est faible, lâche et déliquescent et qu'il est sensible aux menaces, qu'il a peur du nucléaire et qu'il cédera en réalité. Ils estiment qu'une frappe nucléaire unique, démonstrative, limitée sur le théâtre, obligera, forcera finalement les Occidentaux à rentrer chez eux et à demander pardon. Ils ne sont pas vraiment revenus de ça. Effectivement, ce décalage au bout d'un moment pose un problème. Vous ne pouvez pas hurler dans tous les médias que vous avez au moins dix lignes rouges et ne rien faire. Des officiers supérieurs généraux de l'armée russe ont expliqué en 2023/2024, ils ont eu un mot que je trouve très drôle, « Les lignes rouges russes ont rougi de honte », ajoutant « Les Occidentaux nous ont devancés de 8 à 10 pas dans l'escalade et nous, on les regarde ». Dans l'armée russe, il y a une forme d'incompréhension de l'attitude de la Russie. C'est à dire qu’ils sont tous d'accord pour maintenir cette rhétorique agressive, mais ils veulent qu’elle soit accompagnée de mesures pratiques, concrètes. Donc ce décalage a affaibli la crédibilité de la dissuasion nucléaire russe et ça a conduit les Occidentaux à poursuivre leur aide à l’Ukraine et même à l'intensifier. Aujourd’hui, la dissuasion nucléaire russe commence à s'adapter en entreprenant des actions beaucoup plus concrètes. On a évidemment la décision de transférer des armes nucléaires tactiques en Biélorussie. On a beaucoup d'autres actions de ce type. Il y a aussi la publication de la nouvelle doctrine nucléaire russe en novembre 2024, qui est une mesure de dissuasion en réalité. Il faut bien le comprendre, ça aussi. RFI : Et quel est le nouveau message adressé à l'Ouest, à l'Europe et à l'OTAN ? C'est de faire des démonstrations de force sérieuses. Un général russe important propose de rejouer le scénario cubain (crise des missiles de Cuba 1962, ndlr). Donc il y a une volonté de faire une démonstration claire de la force militaire nucléaire. Et à chaque fois qu'une ligne rouge est franchie, d’avoir une réponse nucléaire ou conventionnelle. Les militaires russes pensent aussi que les réponses conventionnelles doivent être beaucoup plus violentes, beaucoup plus fortes. Et cette dissuasion conventionnelle, en fait, ils en ont fait la démonstration avec le tir de missiles balistiques à portée intermédiaire. Ce tir d’Orechnik (Le 9M729-Orechnik, littéralement « noisetier », est un missile balistique russe à portée intermédiaire, ndlr) fait suite à la publication de la nouvelle doctrine nucléaire, qui elle-même s'inscrit dans ce que la Russie perçoit en 2024 comme une logique d'escalade continue. C’est aussi une réponse au discours d'Emmanuel Macron sur de possibles troupes au sol en Ukraine. Et n'oubliez pas, le plus important, en 2024 commence la levée de toutes les interdictions de l’administration Biden sur l'utilisation par l'Ukraine d'armes de fabrication américaine, non seulement à la frontière russe, mais en fait progressivement sur tout le territoire russe. Puis une autre séquence s'ouvre puisque Donald Trump arrive au pouvoir. À lire aussiRoyaume-Uni: les bonnes intentions envers l'Ukraine lors de la «coalition des volontaires» RFI : Qu'est-ce que change l'arrivée de Donald Trump pour la dissuasion nucléaire russe ? On a l'impression d'avoir changé de monde parce qu'avec l'ancienne administration, vous aviez une escalade très maîtrisée à laquelle la Russie a eu beaucoup de mal à répondre parce que tout est venu de façon séquencée. Envisager l'utilisation de l'arme nucléaire en cas de menace à l'existence même de l'État russe, ça devenait complètement obsolète pour ses officiers supérieurs et généraux. Parce que cette doctrine nous montre aussi que la Russie a peur que ses tentatives d'agression contre ses voisins suscitent l'aide de pays dotés d'armes nucléaires. En fait, elle a peur que le scénario ukrainien se reproduise. Et donc cette nouvelle doctrine est censée couvrir ces scénarios aussi. Elle élargit les conditions d'emploi et elle abaisse le seuil déclaré d'emploi de l'arme nucléaire. RFI : L’élection de Donald Trump a-t-elle permis de faire baisser la tension ? Plus tôt. Ça très clairement, c'est à dire que Trump et son indifférence relative à l'Ukraine et à l'Europe y participe, la collusion idéologique qui existe entre la Russie et les États-Unis aujourd'hui, le peu d'intérêt qu'il a pour l'OTAN et l'Europe orientale le permette. Ce qui ne veut pas dire que la rhétorique agressive de la Russie s'arrête. Au contraire, on voit bien que la rhétorique nucléaire agressive de la Russie se déclenche dès que le président américain envisage sérieusement, en tout cas rhétoriquement, de fournir des armes offensives et à longue portée à l'Ukraine. Ce qui s'éloigne, c'est la perspective d'un emploi. Il était déjà très faible depuis le début de la guerre en Ukraine. Avec l'élection de Donald Trump, il est encore plus faible. Donc autant dire, très peu probable. En revanche, les ambiguïtés de Washington, les hésitations de l'Europe à l'égard de la défense du continent, à l'égard de la défense de l'Ukraine, alimentent l'agressivité de la Russie. Et donc ça augmente la probabilité d’actions déstabilisatrices conventionnelles russes. À lire aussiLa pérennisation de l'aide à l'Ukraine au menu d'un nouveau sommet européen à Bruxelles
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  • L’armée de Terre française a l’ambition de peser face à la menace russe
    Les services secrets allemands ont mis en garde, lundi, contre la Russie, prête selon eux à entrer en conflit militaire direct avec l’Otan, menace qui pourrait se concrétiser avant 2029. Réaction ce jeudi du patron de l’armée de Terre française, le général Pierre Schill, à l’occasion de la présentation des capacités des forces terrestres à l’École militaire, qui a plaidé pour une démonstration de force et de crédibilité des armées européennes. Face à ces menaces, le mot d’ordre du chef d’état-major de l’armée de Terre est le suivant : être prêt et le faire savoir. « Il y a l'adversaire et il y a nous. On sait que depuis des années, la Russie s'arme. On sait que depuis des années, la Russie voulait faire peser cette intimidation de sa force sur son environnement et qu'elle veut structurellement s'étendre. Ça, c'est l'adversaire. Nous, c'est d'abord la coalition. Nous sommes membres d'une coalition, nous sommes un continent qui a quand même des ressources immenses. Et au sein de ce continent, il y a nous, la France. Nous avons un certain nombre de socles de notre défense qui sont solides. C'est une armée d'emploi, c'est la dissuasion nucléaire. Pour être libre dans le monde qui vient, il faut être craint. Et pour être craint, il faut être fort. Oui, il y a une menace, c'est clair, mais l'avenir n'est pas écrit, c'est à nous de l'écrire. Et pour écrire cet avenir, il faut que nous soyons forts. » Nous n’avons pas trouvé la martingale contre les drones Être fort signifie tracer des lignes rouges. Contre la flotte fantôme, contre les incursions de drones. L’Europe et l’Otan cherchent la parade, on n’a pas trouvé la martingale dit le général Schill, et la pertinence du mur anti-drones européen reste à ses yeux à démontrer : « Je pense que la question de la défense par le mur, et exclusivement par le mur, est vouée à l'échec parce qu'elle laisse à l'attaquant l'initiative et elle oblige le défenseur à être fort partout. Sur la question du mur anti-drones, il y a un élément positif qui est la volonté manifeste de répondre à des attaques potentielles et à une menace. Maintenant, tout va être dans les modalités. Qu'est-ce que veut dire le mur anti-drones ? Est-ce que c'est un mur étanche sur les milliers de kilomètres de frontière de l'Otan ? Est-ce que ce sera concentré sur certains points ? C'est dans les détails et la rapidité du déploiement que se jugera l'efficacité ou la pertinence de ce sujet, entre deux extrêmes qui pourraient être le fait que ça coûte très cher sans être étanche jusqu'à ne rien faire ». À lire aussiMur anti-drones: l'Union européenne veut aller vite Montrer sa force Face aux attaques hybrides menées par Moscou, l’armée de terre française a l’ambition de peser. De changer le cours de l’histoire par la puissance de l’action, c’est le socle de la dissuasion, martèle Pierre Schill, « La paix, de mon point de vue, est consubstantielle à la notion de force. Si tu veux la paix, prépare la guerre. C'est la base même de la dissuasion et du découragement. Je pense que c'est aujourd'hui le socle de notre défense. Tout ce qui peut être fait en amont pour prouver cette force par la démonstration, c'est-à-dire par les exercices, par la présentation de nos capacités pour que l'adversaire les jauge, c'est une dimension importante. Regardez comment la Chine a fait une démonstration de force à travers le défilé de Tiananmen, qui dit beaucoup ! » Et pour à son tour, en dire beaucoup, de février à avril 2026, l’armée française mènera l’exercice Orion 26. Vaste manœuvre interarmées incluant des alliés, et qui constituera pour le chef d’état-major de l’armée de Terre un signal adressé à nos adversaires et à nos partenaires : afin d’être redouté par les premiers et reconnu par les seconds. À lire aussiL’armée de terre engage une robotisation massive de ses forces
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  • Ce que disent les graffitis des soldats russes en Ukraine
    C’est un aspect du conflit ukrainien encore peu documenté. Les soldats russes, depuis bientôt quatre ans de guerre, ont multiplié les graffitis sur les murs des zones occupées. Wall Evidence, un collectif basé à Kiev, répertorie et classe les photos de ces graffitis, comme des pièces à conviction. À ce jour, le collectif Wall Evidence a compilé près de 800 graffitis. Paul Dza, photographe à l’agence Sipa, participe à ce projet initié dès les premiers jours de la guerre, juste après les massacres de Boutcha. « Au milieu des débris, au milieu des appartements, pillé et saccagé, on retrouve des messages, détaille-t-il. Ça peut être des messages qui sont adressés à la population ukrainienne. On retrouve par exemple, dans des appartements où les habitants ont été assassinés, des messages ironiques s'excusant pour le vacarme, s'excusant pour les dégâts qui ont été laissés. On retrouve des messages, par exemple, qui disent que l'Ukraine n'est pas un vrai pays. Il y a [aussi] des supermarchés dont les noms ukrainiens ont été barrés pour être remplacés par des noms russes. » Des graffitis comme outil de revendication Des graffitis omniprésents du Donbass au nord, à la région de Kherson au sud. « On imagine les soldats russes laisser des graffitis, poursuit Paul Dza. Pas dans un moment où l'assaut est en cours. Pas dans un moment où les combats font rage. C'est dans des moments d'entre-deux, des moments de latence, des moments d'attente, d'ennui. On les imagine en train de faire des graffitis en se disant "bon, il faut que je puisse dire à mes proches, à mon village, à ma région, que ce grand projet d'invasion de l'Ukraine, il faut que je le revendique". Donc, ils vont mettre la date, ils vont mettre la région d'où ils viennent. Et très souvent, ils sont pris en photo par les soldats russes et partagés sur des réseaux sociaux comme Telegram ». Un intérêt juridique et militaire Ces documents, accessibles aux chercheurs, éclairent sur le positionnement des unités russes et la temporalité du conflit. Grand reportageEst de l’Ukraine, lâcher du terrain ou combattre jusqu’au bout ? Et ceux retrouvés dans des lieux de tortures viennent aussi nourrir les dossiers des procureurs. Mais les graffitis russes, souligne Paul Dza, ont aussi un intérêt militaire : « Une unité qui va laisser beaucoup de graffitis - avec des noms, avec des pseudos, avec les villes d'origine - ce sont des informations tactiques qui sont utiles pour les soldats ukrainiens, qui vont en déduire que c'est une unité peu spécialisée, qui laisse beaucoup de traces, qui n'est pas discrète dans son avancée. »  « À l'inverse, continue le photographe, des soldats qui vont laisser de l'humour, des graffitis qui prennent énormément de temps à être faits comme des poèmes, des extraits de romans entiers qu'on peut retrouver parfois sur certains murs de zones occupées, les soldats ukrainiens peuvent en déduire qu'ils ont face à eux des soldats russes très confiants, sûrement expérimentés, et qui prennent le temps de laisser des graffitis élaborés sans pour autant donner d'informations tactiques. » Une plongée dans la tête des soldats russes Tag, signatures, les soldats russes laissent également sur les murs de nombreux dessins, indique Paul Dza : « Des dessins font des références à la Grande Guerre patriotique, et certains mettent en parallèle l'invasion de l'Ukraine avec la Seconde Guerre mondiale. On retrouve des étoiles rouges, on retrouve des faucilles et marteaux. On retrouve parfois des dessins avec des références à la culture pop, avec des références à des mangas. On peut retrouver des représentations plus élaborées comme des dessins de soldats représentés à échelle humaine. On retrouve par exemple des espèces d'envolées lyriques ou les soldats russes s'inspirent ou modifient les paroles d'une chanson, modifient le texte d'un poème qui parle de la mort, qui parle de la fin qui approche, mais que le but, le grand combat dans lequel ils sont lancés, continuera malgré leur perte. » Information brute, les graffitis offrent une plongée dans la tête des soldats russes, véritables reflets de la dynamique d’une armée d’occupation.
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  • Mur anti-drones: l'Union européenne veut aller vite
    Après les incursions de drones au Danemark, mais aussi en Allemagne, les Européens cherchent la parade, et le mur anti-drones était au menu des discussions des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne réunis cette semaine au Danemark. Pour aller vite, et disposer d'ici un an d'un système de détection efficace, les Européens veulent apprendre de l’Ukraine. L’Ukraine, devenue experte en matière de drones, veut monter à bord du projet européen et elle partage dès aujourd’hui son expérience. À la lumière de l’expérience ukrainienne, un mur anti-drones se bâtit sur une bonne détection, rappelle l’expert aéronautique Xavier Tytelman : « Ce qu'on appelle le mur anti-drone, en réalité, c'est une accumulation de technologies à la fois pour détecter les drones qui vont arriver avec des radars de basse altitude, mais surtout avec des capteurs acoustiques tels que les Ukrainiens les ont développés avec beaucoup d'efficacité. Et ensuite, il y a toute la question des effecteurs, c'est-à-dire comment les détruire. En Ukraine, je ne veux pas dire que c'est facile, mais on peut se permettre de les détruire en tirant dessus, en entrant en collision avec des drones anti-drones. Mais nous, on ne peut pas forcément se permettre de faire ça au-dessus de zones habitées. » À lire aussiUkraine: des dizaines de blessés dans la gare de Chostka, après une attaque de drones russes 16 000 micros pour entendre arriver les drones russes Pour stopper une incursion de drones, il faut avoir un coup d’avance. La détection acoustique rapide et précise permet de déterminer le type d’engin auquel on est confronté. Kiev a déployé plus de 16 000 micros sur son territoire, une solution qui intéresse le général Olivier Poncet, chef d’état-major du Commandement de la défense aérienne de l’armée de l’air française : « Il y a différents dispositifs de détection ; il y a des radars classiques, il y a des radars de type passif ou autres. Mais bien évidemment, la détection acoustique, c'est une voie très intéressante et sur laquelle on travaille. Vous parlez du système Sky Fortress des Ukrainiens, c'est quelque chose qui nous intéresse fortement et qu'on pourrait tout à fait imaginer, bien évidemment chez nous. » « Nous avons toute amplitude pour détruire un drone » La neutralisation des drones sur des zones habitées soulève des questions complexes d’ordres techniques, mais aussi légales. Un mur anti-drones européen nécessite d’harmoniser les règles d’engagement. Dans l’espace aérien français, pointe le général Poncet, l’interception d’objets volant, par exemple, est à la main de l’armée de l’Air. « Nous avons toute amplitude pour détruire un drone comme nous l'avons vis-à-vis d'autres aéronefs, dès lors qu'ils représentent une menace caractérisée et suffisamment imminente ou importante par rapport aux sites qui seraient menacés. Oui, aujourd'hui, nous avons juridiquement et nous nous sommes organisés dans notre chaîne de décision pour pouvoir détruire les drones s'il le faut. » À lire aussiDrones russes en Pologne: «Un important changement de donne géopolitique», selon l'ex-ambassadrice de France à l'Otan Reste que les capacités d’interceptions, sont souvent lourdes et coûteuses. Il est nécessaire de disposer d’alternatives aux traditionnels missiles, comme le laser : « Oui, le laser, c'est quelque chose qu'on possède déjà et qui a des gros avantages, poursuit Olivier Poncet. Le laser permet un ciblage très précis de la partie d'un drone. On l'a déjà mis en œuvre pendant les Jeux olympiques. On travaille à améliorer sa portée typiquement, et puis on travaille aussi à l'intégrer au mieux dans notre système de commandement et de conduite, pour en faire un effecteur comme un autre. Parce qu'aujourd'hui, on travaille aussi beaucoup sur du brouillage. Ça, c'est quelque chose de très intéressant. Les armes à énergie dirigée au sens bien plus large. Nous avons donc à disposition des moyens multicouches : les gros drones sont pris en compte par nos chasseurs qui sont en alerte 24 heures sur 24. Et puis les moyens que nous avons spécifiquement dédiés à la lutte contre les petits drones, là, ce sont des systèmes complets, des systèmes souverains avec des détections autonomes du style Milad, Parade, Basalt et autres. » Drones anti-drones munis de filets, de brouilleurs, ou drones percutants, les solutions sont nombreuses et l’écosystème industriel bouillonne. Mais cela a un coût. Plusieurs milliards d’euros pour pouvoir disposer d’ici un an d’un système de détection, puis d’un système complet soit un mur anti-drones, estime la Commission européenne. À lire aussiLes drones dans la guerre du XXIè siècle
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  • L’armée de terre engage une robotisation massive de ses forces
    Jeudi 25 septembre, l’armée de terre française a présenté ses objectifs pour les mois et années à venir. À la lumière des combats en Ukraine, elle se prépare à un champ de bataille plus contesté, plus étendu et plus transparent, où robots et drones seront omniprésents. Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre s’appuie sur les chiffres : chaque jour, sur le front ukrainien, 1 500 soldats russes sont mis hors de combat, dit-il. Une attrition vertigineuse qui ne serait pas supportable pour l’armée française. Sur le champ de bataille, les machines seront donc bientôt dédiées à subir les chocs les plus rudes, analyse le général Bruno Baratz en charge du commandement du combat futur.  « Le champ de bataille de demain ressemble curieusement à celui d'aujourd'hui, mais avec plus de robotisation et de "dronisation". L'augmentation de la transparence du champ de bataille, rendue possible par la multiplication des capteurs spatiaux, acoustiques, terrestres et avec l'exploitation de ces données par l'intelligence artificielle, crée une forme de transparence du champ de bataille, explique-t-il. On voit bien que c'est un univers qui est devenu très hostile pour la présence des soldats et des êtres humains, et qu'on arrive à compenser cela aujourd'hui par plus de robots, ce qui amènera un peu de masse et surtout protègera beaucoup plus nos hommes ». Deux capacités ont été rapidement développées pour durcir les forces : le canon antidrones Proteus et le Mepac, un mortier embarqué et non plus tracté, qui démultiplie la puissance de feu des unités d’infanterie, précise le général Schill : « S'agissant des Mepac, c'est-à-dire ce mortier de 120 mm embarqué à bord d'un Griffon [véhicule blindé médian - NDLR], nous en avons commandé 54. Les premiers arrivent. Ils ont été déployés au sein du troisième régiment d'artillerie de marine à Canjuers. Mon objectif est que tout début 2026, je sois en mesure de déployer en opération une première unité avec ces mortiers. S'agissant du Proteus, c'est-à-dire ce canon de 20 mm auquel nous avons adjoint une couche d'intelligence artificielle de façon à pouvoir lutter contre les drones, les premiers sont déjà déployés dans l'armée de terre, au sein notamment du 35ème régiment d'artillerie parachutiste de Tarbes. On va monter l'an prochain à un volume d’une cinquantaine de canons. Ils peuvent être déployés en opération dès aujourd'hui, si c'était nécessaire ». À lire aussiAu Salon des forces spéciales, les drones militaires s'imposent pour tous types de missions « Il faudrait 77 000 opérateurs de drones » La robotique terrestre fait son apparition : Pandragon, une première unité, composée de 20 robots d’abord utilisés pour les taches logistiques, sera opérationnelle à l’été 2026. Un escadron de drones va également voir le jour. La doctrine d’emploi s’écrit maintenant, les drones d’attaque vont venir compléter la traditionnelle artillerie et donner de l’allonge aux troupes au sol, insiste Bruno Baratz : « L'objectif pour nous, c'est d'éviter que l'ennemi se concentre sur la zone de front et donc d'être en mesure de le frapper le plus loin possible et d'éviter justement les concentrations de force à proximité de nos brigades, de façon à leur faciliter la manœuvre. La tendance générale, c'est bien le développement de ces feux dans la profondeur, même pour une unité d'infanterie qui ira tirer au-delà des vues directes. On voit arriver les munitions téléopérées, ces drones qui sont capables d'amener des charges à différentes distances et qui vont venir compléter finalement le travail de l'artillerie. » Il faut désormais des soldats, à la fois plus durcis et plus innovants, martèle le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill : « Nous devons recruter une partie de nos soldats ou de nos cadres dans ces nouvelles techniques, de manière à avoir des soldats pour le brouillage, pour l'emploi des drones, pour l'emploi des communications. La montée en technique de l'armée de terre est une réalité. J'ai 77 000 soldats dans la force opérationnelle terrestre, donc il me faudrait 77 000 opérateurs de drones, chacun dans son domaine. » L’armée de terre vit une révolution, avec l’usage illimité des drones et de la robotique, elle est en passe de devenir une armée de combattants techniciens. À lire aussiLes robots sur le champ de bataille
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Sobre Lignes de défense

Dans un système globalisé, où les menaces prennent des formes de plus en plus variées, la chronique de Franck Alexandre vous plonge chaque semaine, au cœur des enjeux et des problématiques de défense et de sécurité du XXIème siècle. Les acteurs d’un monde militaire en mutation et les meilleurs observateurs des questions de Défense répondent à Franck Alexandre tous les dimanches matins dans sa chronique.
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